Les start-up représentent l’un des principaux employeurs de développeurs web. Il semble également , comme nous avons pu le voir dans notre entretien avec Stéphane, qu’elles soient une cible plus abordable pour un développeur junior ou pour les profils issus d’une réorientation (en laissant plus leur chance aux profils ne sortant pas nécessairement d’une école d’ingénieur classique). Compte tenu de l’imbrication fondamentale entre l’univers start-up, et le monde du développement web, il nous a semblé intéressant d’aller nous entretenir avec quelqu’un connaissant bien ces deux sphères. Pierre-Alain Schwer correspond totalement à ce profil. Ancien CEO de la start-up Seacher, expert no-code, et actuel COO de Conquistadors, entreprise spécialisée dans l’accompagnement des start-up, il a accepté de nous partager sa vision sur le monde du web, son évolution, la réorientation vers le métier de développeur web…et encore bien d’autres sujets.
Peux-tu rappeler rapidement ton parcours ?
J’ai monté ma première boîte à 18 ans. Étant adolescent, j’avais des projets dans le domaine de la création de logos, appliquée au textile…mais j’ai rapidement été rappelé par l’obligation d’obtenir des diplômes, de suivre une carrière scolaire classique… J’ai étudié des choses diverses et variées (langues étrangères appliquées, management du sport…). Je suis quelqu’un qui connaît bien le domaine du surf. J’ai remarqué qu’il était compliqué de réserver un cours de surf. J’ai donc eu l’idée de créer une plateforme dédiée à cela. Dans le cadre de cette activité, j’ai embauché un développeur, avec qui ça s’est mal passé, et ça m’a donné l’envie de monter en compétences sur la partie web, pour ne plus être totalement ignorant de ce que font les personnes qui travaillent pour moi. J’ai vite compris que le meilleur moyen de devenir un minimum autonome sur ce genre de choses, c’est de passer par le no-code. Je me suis de nouveau associé à des devs par la suite, mais en partant du principe que, tout ce qu’on peut faire en no-code, on le fait en no-code. Quelques années après, le Covid est arrivé. Notre activité ne pouvait plus tenir. On a décidé de revendre la boîte. Et c’est là que j’ai ensuite décidé de rejoindre l’aventure Conquistadors.
Combien de devs avez-vous chez conquistadors ?
Aucun ! On fait tout en no-code.
On sait que les start-ups représentent l’un des principaux employeurs de devs. Selon toi, il y a t il un profil de développeur qui serait plus adapté au travail au sein d’une start-up ?
Je pense que c’est surtout une question d’humains. Est ce que je suis motivé par le projet de l’entreprise ? Est-ce que je m’y reconnais humainement ? C’est ce genre de questions qu’un dev, comme n’importe quel autre candidat d’ailleurs, doit se poser.
Après, de façon plus spécifique, je dirais qu’il ne faut pas être trop “dogmatique”, comme ça peut être le cas de certains profils de développeurs (du genre : “je ne jure que par tel langage ou tel framework”) car, dans le monde des startups, c’est le projet, l’aventure qui comptent avant tout. Si demain il faut utiliser tel langage ou tel outil parce qu’on est persuadé que c’est ce qui convient le mieux, le développeur va devoir s’adapter. Donc si tu es un développeur “fermé”, ça va être compliqué.
Les start-up ont parfois la réputation d’être très exigeantes vis-à- vis de leurs développeurs et de leur imposer une charge de travail très importante…s’agit-il d’une opinion fondée selon toi ?
Le problème de certains CEO, c’est qu’ils ne comprennent pas forcément ce qu’il se passe côté code. Du coup, ils peuvent avoir une impression faussée du travail effectué par les développeurs. Cela peut créer des tensions.
Après, il y a aussi le cas de ce que j’appelle les “startup baby foot”, qui donnent une image cool mais qui vont te faire une remarque déplacée quand tu pars à 17h pour aller chercher tes enfants… Des boites comme ça j’en connais.
Après de façon plus globale, je pense que la plupart des startup fonctionnent de façon flexible, en bonne intelligence, et dans une ambiance agréable. Donc, la réputation dont tu parles correspond à quelques cas, mais je ne dirai pas que c’est valable pour la majorité des startups.
Il y a beaucoup de profils junior qui se plaignent actuellement d’avoir du mal à trouver leur premier emploi, quel regard portes-tu là- dessus ? Certains évoquent le fait que le Covid aurait modifié le marché en poussant les entreprises à recruter plus de prestataires externes expérimentés, qu’est ce que tu en penses ?
Je ne sais pas si c’est dû au Covid ou à la période… Il y a 5 ans, c’était galère de trouver un développeur. Et c’était mission impossible de trouver un CTO. Maintenant, il y a plein de gens qui se sont orientés dans ce secteur, donc ça fait plus de concurrence pour les profils junior. Puis, de l’autre côté, tu as le no-code qui vient changer des choses aussi, supprimer certains emplois qu’on accordait aux développeurs jusque là.
Je pense que les difficultés que tu évoques sont plutôt liées à ces phénomènes là.
De façon générale, un développeur doit aujourd’hui avoir en tête qu’il va devoir s’orienter vers des secteurs qui sont porteurs. Ces secteurs, à mes yeux, ce sont le développement blockchain, et l’Intelligence artificielle. Dans ces domaines, les développeurs restent indispensables. Dans tout ce qui est création de sites, d’applis, etc…je pense que le no-code va prendre de plus en plus d’ampleur, et, à terme, les développeurs web ne seront plus indispensables afin de réaliser des projets de ce type.
En entretien, quels sont les éléments qui comptent le plus pour toi ? (compétences techniques, soft skills, profil, feeling)
Quand je fais un entretien, je m’entoure forcément d’un développeur, afin qu’il puisse estimer les compétences techniques du candidat. Bien évidemment, c’est un métier dans lequel il y a un impératif d’efficacité. Cependant, à mes yeux, la partie humaine est tout aussi importante. Il faut qu’il y ait une compatibilité humaine entre les recruteurs et le candidat. Je parle bien d’une compatibilité, dans les deux sens. J’insiste là-dessus. Ce n’est pas seulement au recruteur que revient la question de savoir s’il souhaite travailler avec le candidat. Ce dernier doit également se poser cette même question.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui se lancerait aujourd’hui dans une reconversion dans le développement web ?
Premièrement: s’intéresser au no-code. Un développeur a tout intérêt à se pencher sur le no-code. Le web est un domaine dans lequel il faut faire preuve de pragmatisme. Il faut atteindre le résultat souhaité de la façon la plus rapide et simple possible. Le no-code représente un moyen de faciliter de nombreuses choses, y compris pour les devs.
Ensuite, l’autre conseil que je lui donnerais, concernant la façon dont il s’oriente: soit tu deviens un monstre dans une techno (une techno d’avenir, en lien avec les thématiques que j’ai évoqué précédemment), sinon, ne sois pas qu’un simple dev, fais en sorte d’acquérir d’autres compétences (UX, gestion de projets…), afin de devenir quelqu’un qui a différentes choses à apporter dans le cadre de projets web. Sois curieux, sois ouvert…
Et enfin, dernier conseil que je donnerais : ne va pas vers le développement web comme si c’était un eldorado. Certes cela ouvre des portes, mais c’est un milieu qui doit avant tout te plaire, et dans lequel tu vas aussi certainement être confronté à des difficultés à certains moment, comme partout ailleurs.